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Perlimpinpinologie, humour et philosophie
4 novembre 2012

La timidité

la timidité

 

Une publicité de 1910 sur les deux bateaux mis en chantier par la compagnie White Star Line (l'Olympic et le Titanic) disait (mot pour mot):
 - these two wonderful vessels are designed to be unsinkable
(Ces deux merveilleux vaisseaux sont conçus pour être insubmersibles).
La commission d'enquête qui étudia la catastrophe du Titanic interrogea bien évidemment le maître d'oeuvre. Voici ce qu'il répondit (je vais directement à la traduction):
- les mots utilisés dans notre publicité affirmaient que le Titanic avait été conçu pour être insubmersible et non qu'il l'était (sic).
Le juge le félicita pour la précision de cette réponse mais ne lui demanda pourquoi les publicitaires n'avaient pas eu cette qualité. 
On lui aurait probablement répondu qu'on devait y voir un simple excès de timidité, et rien d'autre..

Car il ne faut pas croire que les ingénieurs de l'époque étaient plus bêtes que ceux d'aujourd'hui.
Ils auraient pu dire que le risque maximum était la mort de 2 200 personnes (c'est à dire le nombre de passagers). S'ils l'avaient fait, comme il n'y a eu que 1 500 victimes, tout le monde aurait dit bravo.
Malheureusement, ils souffraient de timidité.

C'est la même timidité qui a poussé Warren Anderson, alors président de l'Union Carbide, à ne pas se présenter au procès de la catastrophe de Bhopal en Inde, en Décembre 1984. Il faut dire qu'il y avait de quoi bégayer: rien que le nombre de vicimes posait problème! 3800 morts d'après l'entreprise, plus de 8000 dans les 3 jours et 20000 dans les 20 années suivantes, selon Greenpace, sans parler du demi-million de personnes qui boivent aujourd'hui encore de l'eau contaminée.

Le chef de la salle de contrôle de la centrale de Tchernobyll était, lui aussi, un grand timide. Comment pouvait-il résister au Commissaire Ingénieur Chef qui lui demandait de couper le crircuit électrique, juste pour prouver que la centrale pouvait repartir d'elle-même. Quand la mort l'a interrogé, il bafouillait encore.

Il y a d'autres exemples, évidemment, mais en rajouter serait faire de l'anti-scientisme primaire. 
Les hommes de science sont des explorateurs, des précurseurs, et souvent des bienfaiteurs, malheureusement ils sont plus timides que les autres. Ils se méfient. Ils savent bien que l'esprit humain valorise les risques d'échec plus que les chances de succès. Par exemple, dire à quelqu'un qu'il y a une possibilité sur 100 qu'il meure dans les 24 heures lui apparait beaucoup plus préoccupant que l'hypothèse contraire. 

Que l'esprit humain est bête!

Mais les temps changent. L'éducation, le progrès, la mondialisation, les médias,. chacun sait aujourd'hui que le risque zéro n'existe pas. Pourtant, les scientifiques ont encore quelques réticences à dire les choses.

Par exemple, il leur suffirait tout simplement de dire que sur les 442 réacteurs nucléaires qui fonctionnent actuellement dans le monde (je ne compte pas les 65 en construction), le risque maximum est qu'une dizaine explosent dans les cinquante prochaines années..  c'est à dire 2 à 3% sur la durée maximum d'utilisation (c'est un pourcentage rarissime pour les cafetières, les grille-pains et autres réfrigérateurs)... Ce qui conduirait à une augmentation du taux mondial de cancers au XXIème siècle d'environ de 0,01 à 10 %. La largeur de la fourchette s'explique par le manque de recul (on en saura plus au siècle prochain), mais en restant sur une hypothèse pessimiste (histoire de n'avoir que de bonnes surprises), mais sans prendre la pire (qui nous empêcherait de dormir) disons que cela signifierait qu'une petite vingtaine de millions de terriens verraient leur espérance de vie rapidement abrégée.
Avec une telle franchise, on se sentirait en confiance.

Que la timidité est un sale défaut!

© M.DALMAZZO


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Commentaires
M
Merci Mathieu pour tes objections!<br /> <br /> Ne crois pas que je nierai l'exagération que j'ai faite, je la revendique, mais j'ai quelques raisons:<br /> <br /> <br /> <br /> - La liste des 7 accidents donnée ici: http://fr.wikipedia.org/wiki/Accident_nucléaire de niveau 5, 6 et 7 ( pour lesquels il y a eu fuite radioactive 'sérieuse') est donc mauvaise.<br /> <br /> <br /> <br /> - la difficulté quand on parle d'effet du nucléaire sur la santé est la prise en compte d'un phénomène probabiliste à trois niveaux. <br /> <br /> 1er niveau: Les retombées radioactives peuvent, peu, beaucoup, gravement ou pas impacter les séquences ADN de la cellule. <br /> <br /> 2eme niveau: une séquence ADN atteinte peut conduire directement, favoriser ou pas à un cancer.<br /> <br /> 3ème niveau: un cancer peut rester caché, disparaitre ou se déclarer comme tel ou pas, et conduire à une diminution de l'espérance de vie..<br /> <br /> Par ailleurs on sait que la pollution nucléaire s'étend très loin de sa source et pendant longtemps et que la planète est ronde.<br /> <br /> En conséquence, si une personne déclare un cancer ici ou à deux mille kilomètres de là, maintenant ou dans 30 ans, on ne saura jamais dire pourquoi! Et comme il suffit d'un photon vicieux pour mettre ko la chaine ADN, on ne croira jamais qu'un malchanceux breton qui pourtant n'a quasiment pas mis le nez dehors pendant Tchernorbyll puisse mourir pour ça.<br /> <br /> Il y a des études sur tout cela, mais on comprend pourquoi elles ont un mal fou à se mettre d'accord, sauf évidemment, comme tu le fais, sur les "morts évidentes et rapides".<br /> <br /> J'avoue que je ne sais pas. Je crois que personne ne le sait encore, il faut le reconnaître. Ne soyons pas timides, le doute scientifique est une qualité qui n'est plus à démontrer. <br /> <br /> <br /> <br /> Amitiés<br /> <br /> <br /> <br /> PS: Je recommande la lecture de la définition du sievert sur http://www.irsn.fr/FR/Larecherche/publications-documentation/collection-ouvrages-IRSN/Documents/CIPR_103.pdf.. Elle m'a fait sourire plus d'une fois.
M
Merci pour ces précisions mon cher Michel !<br /> <br /> J'aime bien discuter et débattre moi aussi, ça tombe bien.<br /> <br /> Quelques remarques donc :<br /> <br /> - la liste des douze accidents nucléaires graves : sur ces douze seulement trois ont eu des conséquences sur l'environnement et donc sur une possible exposition ou contamination de la population. Les autres n'ont causé aucune mort directe et très vraisemblablement aucune retardée. Si on regarde donc le passé, le risque "d'explosion" avec conséquences graves est donc bien moindre (mais tu l'as bien dit, le passé ne donne qu'une indication).<br /> <br /> - quant à ton exptrapolation sur le nombre de morts, elle est à mon avis hasardeuse. Si l'on se réfère aux morts dus aux accidents nucléaires des 50 dernières années, on trouve une cinquantaine de morts immédiates (zéro à Fukushima) et quelques milliers en différé en comptant très large pour Tchernobyl (les chiffres autour du million sont complètement farfelus).<br /> <br /> Je pense donc que ton chiffre de 15 millions est très (très) surévalué :)
M
Je te remercie Mathieu pour tes mots gentils et ta question! J'avoue qu'un peu de réaction sur ce sujet me plait. Je vais répondre.<br /> <br /> - Sur le nombre de réacteurs, l'info vient de l'IAEA (international atomic energy agency), après actualisation du lrapport fin 2011 des fins de constructions survenues depuis <br /> <br /> (cf: http://www.pub.iaea.org/MTCD/publications/PDF/RDS2_web.pdf)<br /> <br /> - sur le risque d'accidents: naturellement difficile de trouver ici un consensus. Ce qui m'a décidé à parler de dizaine, est le papier de la WNA (world nuclear Association) (pro-nuclear s'il en est) qui donne la liste des 12 accidents graves survenus pendant les 50 dernières années (http://www.world-nuclear.org/info/inf06app.html). Certes le passé ne prouve pas l'avenir, mais, comme dit GreenPace, il y avait moins de centrales, moins de risques mondiaux et j'aurais pu prendre pire (il y a des sources qui multiplient la probabilité passée par 5)<br /> <br /> - sur l'augmentation du taux de cancers: J'ai lu qqpart (facile à retrouver) que selon l'OMS, 15 millions de personnes par an meurent de cancer dans le monde. En prenant 20 millions de victimes sur les 50 prochaines années dues au nucléaire, je retenais donc une augmentation d'environ 2% c'est à dire, comme je l'ai écrit, pas la plus faible (0,01%) ni la plus forte (10%) des différentes études publiées sur le sujet.. On peut se rassurer en disant que quel que soit le taux réel il sera noyé dans l'augmentation terrifiante (15%) qu'annonce l'OMS à cause de la pollution, du tabac et de l'alcool. <br /> <br /> Tous les chiffrages 'me semblaient donc sensés.. Mais tout est littérature et donc tout ce que je dis est sujet à caution et discussion, sauf, j'espère l'humour et l'envie de donner à réfléchir.
M
Merci Michel pour ce billet délicieux, comme les autres d'ailleurs.<br /> <br /> Juste une question, que ma timidité de nucléophile ne m'empêche toutefois pas de poser : d'où sortent les chiffres du dernier paragraphe ?
F
J'en ai frissonné de plaisir! Merci pour la démonstration.
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