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Perlimpinpinologie, humour et philosophie
16 octobre 2015

L'arbre

L'arbre

Il y a longtemps, un contrat a été signé entre l'arbre et la feuille. 
De nombreux avenants ont été négociés depuis, mais le principe n'a jamais été remis en cause: la feuille a besoin de sève et l'arbre de soleil. Sève contre soleil, chacun attend de l'autre au moins autant que ce qu'il lui donne. 
Chez les banquiers, on appelle ça un marché gagnant-gagnant.  

Malheureusement, il se trouve qu'en automne, dans certaines régions, le soleil décline, il fait de plus en plus froid et les besoins de la feuille se font plus grands que ce qu'elle peut payer à l'arbre.  
Ce n'est pas de sa faute, la pauvrette, mais l'arbre est le patron.  Si la feuille n'a rien mis de côté, tant pis pour elle. L'arbre lui coupe les vivres. 

Il faut le comprendre. Qui peut savoir si l'hiver sera rigoureux ou pas? L'arbre est prudent, il prévoit le pire.
Et puis, un contrat est un contrat. De la sève contre rien, on n'a jamais vu ça, sur aucune planète.
Alors, à chacun ses soucis, il coupe le robinet à sève et la feuille meurt de soif.
Tôt ou tard, elle n'a plus la force de s'accrocher. Un coup de vent, un frisson, et elle tombe. 

L'arbre n'en tire aucune gloire, il ne bombe pas le torse, il ne fait pas le fier. De son point de vue, il n'avait pas le choix. 
Il doit résister à l'hiver. Il retient sa respiration, il s'économise, il sait attendre.
Le moment venu, quand un peu de chaleur revient caresser sa carcasse, au printemps, il fait pousser d'autres feuilles.
Les petites nouvelles n'ont pas plus le choix que leurs ainées: elles se laissent naître. Elles savent bien qu'elles vont mourir à l'automne, peut-être même avant. L'arbre n'a pas triché, il leur a expliqué aussitôt la règle du jeu.
Mais elles n'hésitent pas. Vivre un peu, c'est mieux que ne pas vivre du tout.
Un peu de sève c'est bon à prendre.

Pour que ça change, il faudrait que la Terre et le Soleil se mettent d'accord et que l'arbre accepte de modifier le contrat initial.
En attendant, les feuilles n'ont pas les moyens de discuter. Il faudrait que toutes se mettent d'accord et fassent grève pour avoir une petite chance de faire plier l'arbre.

En plus, ce n'est pas facile de défiler dans la forêt quand on est attaché aux branches.
Les feuilles sont battues d'avance. La mort frappe d'abord le rêveur. C'est d'ailleurs le prix du rêve.
Quel rêve? 
L'arbre! Le rêve des feuilles c'est l'arbre.

 

(c) M.DALMAZZO


 

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Commentaires
M
Nicole, inutile (c'est le moins qu'on puisse dire) de tuer un mot quand on veut en ajouter un autre. Le dictionnaire est un parking lexical qui ne manque pas de place.. Par ailleurs, il est vrai que la Grèce a toujours été un grand fournisseur, mais nous avons dans notre beau pays de petites entreprises dynamiques, qui n'ont rien à envier aux grosses..<br /> <br /> Mais revenons à notre sujet: le rêve. On peut changer de rêve (du moins essayer) ou s'en éloigner, mais quoi qu'on fasse, que ce soit le rêve ou le rêveur, celui-là s'achève par la mort de l'autre.. Non?<br /> <br /> Merci pour ta présence et tes gentilles paroles...
N
Crastouiller, quelle trouvaille, vite, il faut le proposer pour le dictionnaire 2016. Il faudra tuer un autre mot? Aucun problème, du côté de la Grèce on en a quelques uns à proposer.<br /> <br /> Très beau texte, Michel. Il faudrait changer le rêve des feuilles pour que les choses évoluent, mais cela risquerait de faire exploser la planète, alors on continue ses rêves pas trop loin de l'arbre.
M
Ah, Zorba, j'aime tes commentaires! Ils me montrent toujours un côté de mes textes que je n'avais pas vu, et en plus, un côté pertinent! Le crastouillage est en effet une des nobles missions de la feuille! Comment une dimension altruiste et métaphysique de cette sorte a-t-elle pu m'échapper? peut-être devrais-je consulter ( un spécialiste de la sauce blanche)? Merci encore!
Z
Pauvres feuilles abandonnées par leur arbre à un destin funeste au dessein de nourrir des cerises dont se gobergeront les piafs irrespectueux. Ô tristesse, tout cela a-t-il un sens..<br /> <br /> Ou bien :<br /> <br /> Le tapis de feuilles sèches qui crastouille sous le pas du promeneur témoigne d'une vie renaissant inlassable de l'inlassable mort. Ô joie, sonnez hautbois, résonnez musettes.<br /> <br /> Crastouiller n'existe pas, c'est même pas la peine de le chercher.
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