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Perlimpinpinologie, humour et philosophie
16 juin 2015

Naissance

naissance

Il faut avoir une bonne dose d'inconscience pour disserter sur l'âme. A part les militaires et les musiciens (qui parlent d’autre chose), ou les poètes et quelques illuminés (qui ne savent pas de quoi ils parlent), plus personne ne s'y risque. Petit à petit, le mot s’ankylose et se désuétise, et, dans quelques années, une moitié de la littérature romantique sera incompréhensible. L'autre est déjà si triste… 

Ah, sapristi !

Moi qui vous cause, j’ai vécu une expérience qu’il me serait bien impossible d’expliquer sans utiliser très précisément ce mot, exactement ce mot: l'âme. Je n'ai pas trouvé de synonyme. 

Jugez en vous-même.
J’attends de pied ferme les linguistes et autres faiseurs d’histoire. 

Trop de soucis faisant, j’avais décidé de profiter de quelques jours ensoleillés pour me reposer au bord de la mer.
La contemplation d’un grand liquide bleu a un effet sédatif, relaxant et antispasmodique qui n'est plus à démontrer. 

Je flânais sur la plage déserte, une joue caressée par les embruns et l’autre par les rayons du soleil, quand, devant moi, nue, une femme jaillit de l’onde. 
Le mot femme est une rapide approximation.
Nymphe, fée, déesse seraient plus justes, mais ils trahiraient la réalité puisqu'ils désignent des êtres imaginaires.
De toute façon, ce qui sortait de la vague à cet instant dépassait de loin l’idée qu'on peut se faire de ces créatures.
Ceci, par exemple, entre autres points indéfinissables : son regard la précédait comme une traine tissée d'or et de diamants suit une reine. Et je ne dirai rien de son corps aux multiples tentacules carnivores.
Elle était le seul mot possible. 

Elle vint à moi. J’allai à elle. 
La mer s’est arrêtée. Les nuages ont disparu. 
Un courant d’air frais nous a enlacés. J´ai frémi.
Nous nous arrêtâmes à quelques centimètres l’un de l’autre sans avoir prononcé une syllabe.

Comme si cela était inévitable, j’approchai doucement mes lèvres des siennes. 
Comme si cela était inévitable, elle posa ses lèvres sur les miennes. 
Comme si cela était inévitable, nous nous étendîmes sur le sable. 
La mer se remit à danser, doucement, doucement.
Notre étreinte dura, dura.
j'imagine que deux ou trois mille ans s´écoulèrent (aller-retour).

Abrégeons.

Je ne sais pas comment j´ai recouvré mes esprits. 
Je m'étonne encore d'avoir pu lui poser cette question :
- Qui es-tu, déesse de beauté et d’amour ? (je ne résiste pas à la poésie la plus grandiloquente dans mes moments d'extase).
Elle me répondit d’une voix symphonieuse (c'est-à-dire tout autant tout autant symphonique qu’harmonieuse) :
- Je suis, comme toi, une âme en quête d’existence…

Une âme ! Une âme ! Voilà le mot !
Elle n’a pas dit « Je suis une pensée, un esprit, un fantôme… ». D‘ailleurs, je ne l’aurais pas crue. Aucun rêve, aucun mirage, aucune vapeur, aucune hallucination, aucun fantasme, aucun désespoir, aucune fantaisie, aucune illusion n’auraient pu ouvrir ainsi les portes dérobées de ma raison et dévaster l’espace-temps de mon cœur.  Mes sens, mon intelligence m’auraient traité de fou et expulsé de mon corps !

Un silence passa. 
Que dis-je, un silence? Une musique!
Une musique de Mozart, mâtinée de Litz et d’un autre compositeur dont j’ai du mal à me souvenir le nom, prolongeait ces 
mots: en quête d'existence... 
Ils résonnaient en moi, comme l´écho d'un chant de sirène: en quête d'existence... 
En quête d'existence? 
Est-ce à dire qu'elle n'existait pas? Que je n'existais pas non plus? 
C'etait idiot! Nous étions réels, elle et moi! Une réalité de cette sorte ne trompe pas: la douleur du vrai bonheur laisse de vraies cicatrices. Je les ai encore.

Alors, que voulait-elle dire? Que voulait-elle que je comprisse? 
L´utilisation correcte de l´imparfait du subjonctif prouve dans quel état de confusion je me trouvais.

Elle approcha sa bouche.
-  Embrasse-moi encore, ordonna-t-elle.
Comment faire autrement ?

C'est à cet instant précis, quand mes lèvres se posèrent sur ses lèvres, quand ma main se posa sur sa main, quand mes yeux se fermèrent sur un nouveau vertige, que la mer déborda! 
Un seïsme du fond de l'océan fit sursauter le monde! 
Du moins je le suppose. Ce genre d'évenement ne se comprend pas.
Une vague irresistible nous balaya, comme l'eût fait la main d'un géant. Je fus soulevé, retourné, écrasé, noyé, asphyxié. Si je ne craignais les sarcasmes, je dirais bien
je mourus, mais j'ai assez peur du ridicule. Je me limiterai donc à dire que la nuit m'emporta. 

C'est en criant, en crachant la vase qui m'avait obstrué la gorge, que je repris connaissance.
Enfin, mon coeur s'assagit, ma respiration se calma.
Mes yeux s'ouvrirent. Le ciel était gris.
U
ne eau salée me séchait la langue.
Dans ma main, une algue, rouge comme un cordon ombilical, me serrait les doigts.
C’est ainsi que je vins au monde.

 Alors ?

L’âme, vous dis-je, l’âme !
Ceux qui doutent de la justesse du mot méritent ce que je pense !

 

(c) M.DALMAZZO


    

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Commentaires
M
Il est vrai, Zorba, que l'âme est l'énergie renouvelable (et bon marché) de l'enfer. Heureusement, il s'agit de l'âme de ceux qui n'y croient pas (ce qui finalement ne devrait pas les gêner).<br /> <br /> Mais de là à dire qu'il s'agit de notre damnation, tu y vas un peu fort! (Quoique si on y réfléchit...)<br /> <br /> Ceci dit, ne te dépossède pas trop vite de ton plat de lentilles. Cette expérience là, tout le monde l'a connue, toi y compris... Malheureusement peu s'en souviennent et encore moins y croient (c'est toute la question de l'âme)...<br /> <br /> (Merci pour ta présence).
Z
Oh putain, quelle chance tu as Michel ! Michel !!! Je donnerais bien mon plat de lentilles pour connaître pareille expérience. Et pour la raconter comme toi ! <br /> <br /> Enfer et damnation. L'âme, justement... n'est-ce pas notre damnation ? Hein ? Si on y réfléchit...?
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